Tuesday, February 24, 2015

VICTOR HUGO

Je respire où tu palpites.

Je respire où tu palpites, 
Tu sais ; à quoi bon, hélas ! 
Rester là si tu me quittes, 
Et vivre si tu t'en vas ?

A quoi bon vivre, étant l'ombre 
De cet ange qui s'enfuit ? 
A quoi bon, sous le ciel sombre, 
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles 
Dont avril est le seul bien. 
Il suffit que tu t'en ailles 
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'Auréoles ; 
Te voir est mon seul souci. 
Il suffit que tu t'envoles 
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ; 
Mon âme au ciel, son berceau, 
Fuira, dans ta main blanche 
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne 
Si je n'entends plus ton pas ? 
Est-ce ta vie ou la mienne 
Qui s'en va ? Je ne sais pas.


Quand mon orage succombe, 
J'en reprends dans ton coeur pur ; 
Je suis comme la colombe 
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme 
L'univers, salubre et béni ; 
Et cette petite flamme 
Seule éclaire l'infini 


Sans toi, toute la nature 
N'est plus qu'un cachot fermé, 
Où je vais à l'aventure, 
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ; 
L'ombre emplit mon noir sourcil ; 
Une fête est une tombe, 
La patrie est un exil.


Je t'implore et réclame ; 
Ne fuis pas loin de mes maux, 
Ô fauvette de mon âme 
Qui chantes dans mes rameaux !


De quoi puis-je avoir envie, 
De quoi puis-je avoir effroi, 
Que ferai-je de la vie 
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière, 
Tu portes dans les buissons, 
Sur une aile ma prière, 
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile 
L'inconsolable douleur ? 
Que ferai-je de l'étoile ? 
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose 
Qu'illuminait ta douceur ? 
Que répondrai-je à la rose 
Disant : « Où donc est ma soeur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses. 
A quoi bon, jours révolus ! 
Regarder toutes ces choses 
Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre, 
De la vertu, du destin ? 
Hélas ! et, sans ton sourire, 
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche, 
Sans toi, du jour et des cieux, 
De mes baisers sans ta bouche, 
Et de mes pleurs sans tes yeux !

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